La théorie du trouble anormal de voisinage – définition :

La théorie du trouble anormal du voisinage n’est pas définie par le Code civil, c’est un principe jurisprudentiel selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

La subjectivité de ce principe conduit régulièrement les juridictions à connaitre de conflits de voisinage mais également à se prononcer sur les troubles causés par la réalisation des projets immobiliers.

Le caractère anormal du trouble laissé à la libre appréciation des juges :

Les juridictions statuent au cas par cas et prendront en compte de nombreux facteurs pour caractériser le trouble, parmi lesquels l’environnement existant et l’importance du trouble.

Les juridictions peuvent notamment prononcer des condamnations au titre des troubles liés aux bruits occasionnés, à la poussière, à la perte d’ensoleillement, aux odeurs, à la dégradation ou la suppression d’une vue, aux désordres constructifs ou bien à la dépréciation du bien provoqués par un chantier voisin.

C’est ainsi, que suivant un arrêt du 10 juin 2014 (n°13-02997) la Cour d’Appel de TOULOUSE a condamné une entreprise tout corps d’état à indemniser les voisins, pour les détériorations commises dans leur appartement à la suite du chantier réalisé dans l’appartement du dessus.

C’est ainsi, que suivant un arrêt du 25 février 2016 (n°15-00811), la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a affirmé que constitue un trouble anormal de voisinage, les émissions sonores et olfactives créées par un poulailler installé dans une résidence de villas de bord de mer de grand luxe.

Qui peut demander une telle indemnisation ?

Le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s’applique à tous les occupants d’un immeuble quel que soit le titre de leur occupation.

Ainsi, tant un propriétaire, qu’un locataire, ou un occupant à titre gratuit peut solliciter l’octroi de dommages et intérêts en réparation d’un trouble anormal de voisinage.

La notion d’occupation est interprétée largement par la jurisprudence.

Ainsi, dans un arrêt du 3 mars 2016 (n°14-14534), la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a affirmé qu’un propriétaire, même s’il ne réside pas sur son fonds, est recevable à demander qu’il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage provenant d’une propriété voisine.

Qui peut être condamné à indemniser ?

Les victimes de trouble anormal du voisinage peuvent solliciter réparation à l’occupant voisin à l’origine de la nuisance.

Si l’occupant voisin est locataire, ou bien occupant à titre gratuit, la victime du trouble peut solliciter réparation auprès du propriétaire du fonds.

Le propriétaire du fonds dont émane la nuisance dispose alors d’un recours contre son locataire.

Par ailleurs, dans le cadre d’un chantier la jurisprudence a admis la responsabilité des constructeurs à l’origine du trouble subi par les voisins.

Désormais, les juges peuvent faire supporter la charge de l’indemnisation d’un trouble anormal de voisinage à tous les constructeurs dont la mission ou les travaux sont en relation directe avec les troubles subis : entreprise titulaire de lot, sous-traitante, maitre d’œuvre etc…

Une indemnisation non conditionnée à l’existence d’une faute :

La jurisprudence actuelle ne conditionne pas la responsabilité pour trouble anormal de voisinage, à une quelconque faute commise par le maître de l’ouvrage voisin, la seule démonstration à faire est l’anormalité du trouble dénoncé, ce qui est relativement subjectif et amène à une appréciation au cas par cas.

Le respect des normes d’urbanisme relatives à la hauteur des bâtiments ne fait pas obstacle à l’indemnisation d’un préjudice de perte d’ensoleillement subi par le voisin.

Ainsi, dans un arrêt du 12 octobre 2005 (n°03-19759), la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a affirmé que le respect d’un permis de construire relatif à la hauteur d’un remblai par rapport au niveau naturel du terrain voisin, n’excluait pas l’existence de troubles anormaux du voisinage.

C’est pourquoi il convient de porter une attention particulière aux conséquences futures que les projets immobiliers envisagés auront sur le voisinage et il est nécessaire de s’assurer de l’information du maître de l’ouvrage et des voisins sur la teneur des travaux et d’effectuer un constat préalable des existants qui peut donner lieu à une procédure de référé préventif.